Culture d'entreprise
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" Lentreprise, qui était pour beaucoup le lieu privilégié de laliénation individuelle va-t-elle devenir le lieu central de lillusion collective ? " Max Pagès Dans l'Express, un article titrait " Patrons asiatiques, ouvriers français : le choc des cultures " après les grèves de juin 1999 qui ont touchées les usines Daewoo implantées en France, voilà le point de départ de ce dossier. Le témoignage suivant est celui d'un expert en qualité et organisation des processus. Lors de son parcours professionnel, il a integré plusieurs sociétés dont la demande était la même : mettre en place un plan d'assurance qualité. Etonnamment derrière ces mots pourtant identiques, dans chaque société où il a participé à ce projet, on lui a demandé un travail radicalement différent. Dans une société, par exemple, on lui demandait d'imposer des normes internationales demandant à chaque personne de l'entreprise de produire des documents de suivi à chaque étape des processus. Dans une autre entreprise, l'amélioration de la qualité avait pour but de rationnaliser les processus pour les simplifier et les rendre plus efficaces. Cette histoire caractérise bien la culture dentreprise comme une manière spécifique à lentreprise de répondre aux problèmes. Le concept de culture dentreprise nest pas récent. Depuis longtemps les chefs dentreprise ont cherché à créer un " esprit maison ", caractérisant la spécificité de leur savoir-faire vis-à-vis des entreprises concurrentes. Dans cette première constatation, la culture dentreprise permet à un établissement de se démarquer de ceux qui lentourent, cependant, ce concept touche lintérieur même de lentreprise. Lentreprise est, en effet, une zone de conflits et de tensions entre plusieurs cultures professionnelles, régionales, voire nationales. Cette communauté économique et sociale hétérogène à besoin de cohérence pour fonctionner de façon optimale. La culture dentreprise contribue à une vision commune de tous les salariés qui composent cette communauté. Dans une première partie, la définition de la culture ainsi que sa formation seront étudiées à partir danalyses contemporaines. Ensuite, dans une deuxième partie, ce dossier abordera limplication de la culture dentreprise dans le management. Enfin, et en dernière partie, le management dune entreprise en loccurrence Free illustrera un exemple dapplication de culture dentreprise. Pour conclure, un point sera fait sur lutilité dune culture dentreprise. 1. La culture dentreprise : définition La culture nationale est un constituant essentiel de la culture dentreprise. Elle peut être définie comme lensemble des éléments propres à un groupe humain spécifique, qui sont explicatifs des façons de penser et dagir des membres de ce groupe. Plusieurs définitions cherchent à expliquer le concept de culture nationale et à montrer la dépendance du fonctionnement social (rôle de létat, des institutions) envers les valeurs culturelles. Ainsi, la notion de culture est elle perçue comme générale et partagée, cest à dire quelle explique le comportement de lensemble du corps social. Ces valeurs peuvent être stéréotypées et mal interprétées par un autre groupe social qui ne les connaît pas. Ces images déformées sont révélatrices des barrières culturelles et des sentiments de rejet que peuvent exprimer des individus appartenant à des groupes sociaux différents. La connaissance de la culture de lautre procure une meilleure compréhension des valeurs convergentes et divergentes qui sétablissent entre deux groupes. Connaître lautre, cest connaître sa culture, son identité en tant que membre dun corps social spécifique. Vouloir imposer ses propres valeurs, cest établir une relation de domination. Celle-ci se manifeste dans le processus de colonisation, mais également à lintérieur dune même société. Les membres des groupes minoritaires doivent adopter ces valeurs jugées " normales ". La culture nationale englobe lensemble des valeurs, des mythes, des rites et des signes partagés par la majorité du corps social. Les valeurs représentent les idées, les croyances fondamentales, la morale (le sacré, le profane) qui sont transmises dune génération à lautre. Les valeurs conditionnent les comportements admis, acceptés. La religion en tant que croyance, fait partie des valeurs culturelles et dans les sociétés religieuses elle devient la valeurs centrale. Les mythes sont associés à lhistoire nationale et fabriqués pour renforcer les valeurs admises. Quant aux rites, ce sont toutes les cérémonies qui font revivre les valeurs et les mythes. Les fêtes nationales, les mariages, les funérailles sont commémorées dune façon spécifique par les différents groupe sociaux. Le rituel de la représentation du pouvoir est un rite fondamental dans la mesure où il conditionne les rapports de force instaurés dans la société. Les signes sont des émetteurs qui permettent à ceux qui ne font pas partie du groupe social de référence de capter certains éléments de la culture du groupe. Le langage, les symboles nationaux, la danse et la musique, les vêtements folkloriques sont des exemples de ces signes émis par un groupe spécifique. La bonne réception du message dépend de la volonté de comprendre lautre avant de porter un jugement de valeur. La culture nationale nest pas figée. Elle est évolutive. Lintroduction de nouvelles valeurs, lapparition de nouveaux mythes ou rites sont fortement marqués par louverture de la société sur lenvironnement. La culture est vitale pour la survie dun groupe qui a besoin dêtre structuré, cest à dire davoir des règles, des normes qui guident les actes de leurs membres et servent à résoudre les conflits internes. Elle apparaît comme le lien social à partir duquel le groupe bâtit son identité. Le partage des taches entre les membres du groupe, les relations de domination (de pouvoir) admises, les symboles et plus particulièrement le langage sont les traces visibles de la culture dune société . 1.2 Lentreprise a-t-elle une culture ? Toute entreprise, quelle que soit sa taille, forme un sous-groupe social composé dindividus appartenant à une ou plusieurs cultures nationales, régionales et professionnelles. Pour assurer la cohérence de cette mosaïque lentreprise a besoin de créer une identité collective, qui deviendra le point de repère de tous ses membres. Au fur et à mesure de que lentreprise se transforme en institution, elle tend à développer une culture dentreprise qui est lélaboration dun système à la fois culturel, symbolique et imaginaire. Toute entreprise a une culture spécifique, élaborée au long de son histoire. Toute entreprise est une affaire de société puisquelle est marquée par la culture nationale. 1.3 Culture dentreprise : définition La culture dentreprise peut être définie comme lensemble des éléments particuliers qui expliquent les bases du fonctionnement dune entité spécifique. Elle est, dans un certain sens, un sous-produit de la culture nationale et par conséquent un ensemble de valeurs, de mythes, de rites, de tabous et de signes partagés par la majorité des salariés. La culture dentreprise est une variable essentielle pour expliquer le vécu quotidien et les choix stratégiques réalisés par un groupe social. Comme nous lavons vu dans la première partie sur la culture nationale, les valeurs sont les préférences collectives qui simposent au groupe, les croyances essentielles, les normes qui définissent les façons dagir et de penser. Plus concrètement, les valeurs forment la philosophie de lentreprise. Elles déterminent sa charte de conduite exprimée par le règlement intérieur, les descriptifs des postes, ainsi que par le système de récompense et de sanctions adopté. Les valeurs établissent les interdits, les tabous, les marges de liberté qui ne doivent pas être violées. Les mythes sont les légendes, les histoires associées au passé de lentreprise. Ils servent à renforcer les valeurs communes. Ils peuvent être liés aux personnalités qui marquent ou qui ont marqué la vie de lentreprise. Le mythe du fondateur, du père de lentreprise, est très exploité, en particulier dans les PME. Le successeur doit simposer aux salariés sans pour autant vouloir détruire le mythe qui entoure la personnalité de lancien patron. Certains chefs dentreprise deviennent des mythes dont la réputation dépasse le cadre de leur entreprise (comme Bill Gates partant de rien et devenant l'homme le plus riche du monde). Certaines entreprises créent des musées (comme l'aventure Michelin) pour rappeler leur passé et les progrès accomplis par lentreprise.Le but étant que les salariés soient mobilisés, pour quils sidentifient à leur entreprise, ils doivent sapproprier son histoire. Les rites sont des pratiques qui découlent des valeurs partagées. Le recrutement, les réunions de travail, les réceptions, lévaluation du personnel sont des exemples de ces pratiques. Le recrutement apparaît comme un rite dinitiation, de passage. De plus en plus, les entreprises cherchent des candidats techniquement capables, mais surtout ayant des valeurs et des aspirations correspondant à la culture en place. Si cette procédure favorise lintégration de lindividu, elle freine néanmoins lévolution de la culture interne dans la mesure où celle-ci nest pas contestée et ne peut senrichir par un rapport externe. Le regard critique dun nouveau salarié peut contribuer à la remise en cause de certaines pratiques. La culture regroupe également les symboles tels que le port de luniforme ou dun badge qui permet de distinguer les membres de lorganisation de ceux qui lui sont extérieurs. De façon plus subtile, le langage apparaît comme le symbole le plus expressif de la culture. La mise en place dun langage commun facilite la circulation de linformation, la communication sociale et la prise de décision. Ce langage unique se manifeste non seulement par un vocabulaire spécifique, mais également par les formulaires adoptés, le style de communication retenu (lettres, rapports, ordres écrits), ainsi que par les procédures de contrôle. Ainsi, au siège social de Peugeot, les différences de statut hiérarchique sont marquées par lutilisation systématique de " monsieur ", " madame " ou " vous ", signes de respects. Pour un cadre, le tutoiement est fait pour empiéter sur le territoire de lautre et influencer ses décisions. Le groupe lOréal est fier de sa culture. Selon sa direction, celle-ci regroupe quatre valeurs fondamentales : la qualité maximale (respect des clients) ; la passion du produit (défi de linnovation) ; la culture de la performance et un climat dharmonie humaine, qui passe par le respect de la différence. Un salarié doit connaître et épouser ces valeurs pour être " Oréalien ". 1.4 Comment se forme la culture dentreprise ? La culture dentreprise est la combinaison de différents matériaux culturels, chacun ayant ses caractéristiques propres. Le schéma ci-dessous présente les différentes sources contribuant à lapparition et à lévolution de la culture dentreprise. La personnalité des fondateurs est un mythe majeur (mythe dorigine). Dans le groupe Apple, la vision de Steve Jobs (son fondateur) est toujours une référence primordiale dans la conduite du groupe (l'innovation, le meilleur produit, la passion de la vente). Lors de la création de lentreprise, le créateur est plus quun apporteur de capitaux. Il prépare lavenir de lentreprise selon ses connaissances, mais également en fonction de se croyances, de sa personnalité et de sa philosophie. En ce qui concerne la culture professionnelle, certains travaux prouvent que, dans une même entreprise, il y a des profils culturels différents. La culture professionnelle étant la culture au travail acquise dans une autre entreprise. Les événements marquants, ce sont les mythes héroïques, cest à dire, les moments de gloire vécus par lentreprise. Lhistoire unique de lentreprise forge les mythes et les rituels qui y sont admis. En conclusion, la culture dentreprise est un ensemble complexe, peu palpable, qui permet à chaque individu de sidentifier à lorganisation. Il faut souligner quil arrive quun individu ne sidentifie pas à la culture de son entreprise. Sil a un esprit de " leadership ", il peut essayer de la faire évoluer. Sil échoue dans cette tentative, il sera marginalisé par le groupe (postes de voie de garage). Il se peut quun individu refusant les valeurs de lorganisation décide dy rester exclusivement pour son épanouissement financier. Il ne sera jamais mobilisé par les discours de lentreprise. 2. Culture dentreprise et management La culture l'entreprise est un outil fantastique pour le manager. Elle lui permet à la fois d'assurer le fonctionnement normal de l'entreprise selon les codes définis mais également en cas de difficulté, elle peut se révéler utile pour gérer des bouleversements structurels. Le management est une activité qui vise à diriger un groupe au sein d'une entreprise. La culture est donc stratégique pour le manager car utilisée à bon escient, elle permet un gain de productivité. Le résultat est la finalité du management. Pour obtenir le résultat espéré avec la performance attendue, le manager doit, par ses capacités métier, utiliser les savoir-faire et les méthodes de la société qui traduisent ses valeurs La culture induit, de par l'effet de groupe, des initiatives personnelles qui sont unifiées autour de méthodes communes vers un but commun, gage d'une efficatité améliorée. La culture devient à la fois l'instrument et la conséquence du management. Tout le monde, au fur à mesure de sa vie, se forge ses propres règles de vie, son code d'honneur qui évoluent en fonction de ses expériences. L'entreprise fait de même. Ses capacités de réaction et de décision sont liées de ce qu'elle a connu dans le passé. Les références sont indispensables à la résolution de problèmes. Plus on a de références, plus on a de recul par rapport au situation de crise et plus on a confiance dans les décisions qui sont prises. Dans le cadre d'une entreprise, plus son histoire et les difficultés qu'elle a traversées sont fournies, plus les références sont simples à trouver. Les erreurs et les succès du passé seront les références qui si elles sont partagées avec le groupe permettront combattre les difficultés et de faire les choix de demain. 2.3 La culture, pourquoi faire? La culture n'est pas seulement un gain de productivité. Elle doit pouvoir aider le groupe, lors de situation liée au changement. Le changement est pour chacun est une cause de stress car on cherche de nouveaux repères vis à vis de cette situation nouvelle. Les références ou repères évoqués précédements font partie inégrale de la culture d'entreprise bien que souvent inconscients. Tout l'enjeu du management est d'utiliser ses références comme moteur dans les situations de crise pour surmonter les épreuves ou les situations inédites. Le manager doit utiliser tous les outils à son service pour unifier le groupe et lui donner une cohésion. Cela peut passer par du marketing interne, du team building ou tout autre activité visant à rappeler les références communes. Il ne doit pas instaurer de débat ni de conflit, tous doivent aller dans le même sens. La culture d'entreprise est omniprésente dans chaque service de l'entreprise. La gestion du personnel est liée à la manière dont lentreprise traite ses employés. On peut donc y trouver des références qui jaugent les comportements, les modes de fonctionnement et donc la culture. Un système dappréciation ou de rémunération témoigne de la manière dont lorganisation prend en compte la personne et son activité et mesure son adéquation avec la culture de l'entreprise. Le contrôle de gestion, en mesurant lactivité, évalue lentreprise en fonction de ses codes et de ses références. Références qui définissent la culture de lentreprise. Des liens existent aussi entre la culture et le marketing. Le marketing s'attache à se différencier de la concurrence par l'ajout de symboles dans les produits, services ou encore dans les campagnes de publicité autour des marques de la société. Inversement, la culture de l'entreprise, son histoire influence le marketing dans les choix stratégiques. En gestion de production, les méthodes utilisées sont l'héritage du passé. Les comportements des employés face à la charge du travail dépendent des valeurs de l'entreprise. Les systèmes d'informations sont la projection informatique des méthodes et valeurs de l'entreprise. La conception de ceux-ci se calque sur les processus et les activités de la société donc est le reflet de la culture de l'entreprise. 3. La culture d'entreprise de Free Les informations présentées ci-dessous proviennent de deux sources majeures : le site web de free et articles publiés dans la presse française. Valeurs
Mythes
Rites
Tabous
Symboles
Pour conclure sur lutilité de cette culture dentreprise, des exemples et des avis de professionnels nous semblent plus adéquats que notre expérience très limitée de la vie en entreprise. Le premier exemple est le cas de la société Marquet qui fabrique et commercialise des pantoufles. Les dirigeants ont voulu imposer un management à flux tendu. Le climat social à lintérieur de lentreprise sest vite détérioré. Les salariés ont reconnu les avantages de ce mode de fonctionnement, mais ils nont pas accepté quon leur impose le progrès de façon autoritaire, à la japonaise. Un autre contexte dans lequel la gestion de la culture dentreprise doit être prise en considération est lors dOPA qui consiste par la suite à la fusion de deux entreprises. Pour Jean-Marie Albertini, les dirigeants ont tendance à minimiser le choc des cultures lors de tels événements. Selon lui, toute démarche dacquisition dune entreprise doit prévoir un audit financier et social. De la même façon quand une société change subitement et radicalement de culture d'entreprise, l'impact sur les individus du groupe n'est pas négligeable. Dans ce sens, on peut citer lexemple de la Poste. Ces agents impliqués dans une culture de service public ont du s'adapter à une volonté du management d'imposer une logique de rationalité et de rentabilité. L'impact sur les salariés a été sous-estimé avec toutes les conséquences dramatiques qui en ont découlées. C’est encore une fois un choc des cultures qui est néfaste au bon fonctionnement de l’entreprise. On ne peut pas dire si appliquer une culture à une entreprise est une bonne ou une mauvaise chose. Elle peut à la fois favoriser ou détériorer le climat social selon son utilisation. La culture peut en effet être bénéfique à la mobilisation du personnel et à son efficacité mais une culture forte et peu évolutive peut devenir une contrainte importante puisquelle rend difficile tout changement. Dans la tendance actuelle où la mondialisation touche de plus en plus d'entreprises, où les fusions et les rachats de grands groupes font quotidiennement les gros titres des journaux, la culture d'entreprise sera un enjeu stratégique pour les entreprises devant subir ces restructurations aujourd'hui inévitables. Organisation et gestion des entreprises Irène Foglierini - Carneiro 1996 Edition Aengde Dunod Mini-manuel de lexpertise comptable Irène Foglierini. 1997 Edition Aengde Culture dentreprise et Histoire Alain Beltran - Michèle Ruffat 1991 Les éditions dorganisation université Les différences culturelles dans le management Geert Hofstede Daniel Bollinger 1987 Les éditions dorganisations La culture d'entreprise Maurice Thévenet 1995 PUF Impliquer les personnes dans lentreprise Maurice Thévenet 1992 Editions Liaisons Les ouvrages listés dans la bibliographie de ce dossier n'étant plus disponibles en librairie, voici une liste de documents plus récents, la plupart étant disponible à la vente en version électronique: Relations sociales et cultures d'entreprise
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© 2000 Christophe Durand, Jean-François Fili, Audrey Hénault - Dernière modification en 2014 |